Paris African Cup, Rendez Vous Square Léon

Paris African Cup, Rendez Vous Square Léon

7 décembre 2025

par Tim Levaché

par Tim Levaché

par Tim Levaché

Sur le plateau, leurs doigts ne tremblent pas. Malgré le bruit, la foule et l’agitation qui anime depuis des semaines le square Léon, leurs mouvements sont lents, assurés. Peut-être parce que ces cinquantenaires sont absorbés par leur partie d’échec, peut-être parce qu’ils sont habitués aux cris des enfants qui descendent à toute vitesse les allées en trottinette, peut-être aussi parce qu’ils connaissent bien l’effervescence annuelle qui rythme le quartier depuis 6 ans déjà. À quelques mètres de ces tables de jeu, un city, petit stade de football à 5 entouré par de larges grilles, est au centre de l’attention. Si les supporters s’entassent sur les gradins, sur les pelouses alentours et s’agrippent aux grillages, c’est parce qu’ici se joue la Paris African Cup, un tournoi de foot devenu incontournable tant son ambiance et sa ferveur ont attiré les foules du quartier, de la capitale, et même d’autres continents. Un évènement qui rend hommage à la compétition bienveillante, aux effusions de joie, au crochets qui cassent des chevilles. Mais elle s’inscrit aussi dans une tradition fidèle à l’histoire de la goutte d’or : celle de la célébration. 

"Toi qui a traversé la mer, toi qui a des problèmes d’existence, de cartes de travail et de séjour, toi qui ne veut pas rester seul, viens avec nous faire la fête".

Par Louis Lepron

Ces paroles, ce sont celles d’Habib, co-organisateur du Carnaval de la goutte d’or qui s’est tenu le 16 juin 1979. Dans la rue du même nom coupée à la circulation, les enfants aux visages maquillés côtoient adolescents, adultes et personnes âgées, tous et toutes réunies dans une fête que beaucoup attendent chaque année. À cette époque, le quartier situé entre Barbès et La Chapelle connaît de nombreuses difficultés : les logements y sont insalubres, les services publics sont quasi-absents, la présence policière permanente y est étouffante. Mais la violence la plus grande réside peut-être dans les propos d’un parti récent, le Front National, qui prend pour cible la rue de la goutte d’or et ses environs. Là même où sont arrivées de nombreuses familles d’immigrés nord-africaines à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, rejoins à la fin des années 70 par des familles issues d’Asie et d’Afrique sub-saharienne. Et leurs idées infusent largement dans les discours de la classe politique : c’est après une visite de la rue de la goutte d’or, en 1991, que Jacques Chirac prononçait sa phrase sur « Le Bruit et l’odeur », qui désignait selon l’ancien président les troubles causés par les personnes issues de l’immigration en France. Une citation rapidement devenue symbole des propos hostiles, xénophobes et ouvertement racistes répétés dans les années 1990 à l’encontre des populations immigrées. 

Par Louis Lepron

46 ans plus tard, bien des choses ont changé. Bon nombre de bâtiments du quartiers ont été rénovés, des dizaines de structures publiques participent désormais à son bon vivre, et certains commerces à l’abandon on été remplacés par des cafés au design élégant et salles de spectacles flambant neuves. Dans les rues d’un quartier métamorphosé par un lent processus de gentrification, les habitants se réunissent autour d’un lieu refait à neuf, le Square Léon, et surtout autour de son city. Pour les jeunes du quartier, le terrain est depuis toujours un point de rendez-vous, là ou les novices s’entraînent, là ou les talentueux impressionnent, là ou les observateurs ne manquent pas un geste technique. Quand la journée d’école ou de travail est finie, le rendez-vous est au Square Léon. Quand le week-end ou les vacances s’installent, le rendez-vous ne change pas. Alors un jour, l’un des habitués de ce rendez-vous, Mamoudou Camara a une idée : organiser, sur le modèle des CAN des quartiers nés à Créteil, une compétition de foot à 5 sur ce terrain, qui oppose des joueurs représentant l’équipe de leur diaspora. En 2019, date de la première édition de la PAC, les joueurs descendent pour la première fois dans cage aux airs de fosse aux lions, acclamés par une foule en demande de spectacle. Elle sera servie : depuis cette première, la PAC revient chaque année, s’étire sur tout le mois de Juin, et fait vivre la goutte d’or au rythme des cris des supporters, des enceintes qui crachent des hits de rap et d’Amapiano, et du bruit sourd du cuir qui s’écrase sur les crampons. Comme l’explique Medhi Aouissi, co-organisateur de la PAC :

"C’est devenu un évènement que tout le monde attend. Et pas que ceux qui jouent, ceux qui viennent regarder aussi. Certains font des pronos entre potes, d’autres viennent pour supporter, crier comme des ultras… c’est fou de voir la compétition vivre comme ça"

Par Julien Lanard

Si l’identité de la compétition est la même, basée sur une volonté de célébrer ce sport et de rassembler tout celles et ceux qui voudront y assister ou même y participer, la forme a pourtant bien changé. Sponsorisé par Jordan et Maison Château-Rouge, une marque de couture renommée née dans un quartier éloigné de quelques rues seulement, la PAC est aujourd’hui plus professionnalisée que jamais : des gradins aux maillots en passant par le système vidéo de retransmission en direct des matchs, l’équipe agrandie fait tout comme une vraie compétition. Et tout indique qu’elle en est désormais une, tant son impact est grand. Des joueurs venus d’Oakland (État-unis) à ceux arrivés de Colombie, la compétition a élargi ses ambitions, et accueille désormais de nombreuses équipes, venu des quatre coins du monde. Une manière de rassembler les gens d’ici et d’ailleurs, sur la base d’un évènement monté à bout de bras par des passionnés, motivés par l’envie de faire vivre un peu plus le quartier qui les as vu grandir. Aujourd’hui, la PAC n’est plus seulement une compétition, c’est une fête annuelle attendue, qui divertit autant ses habitants qu’elle les soude. Une manière aussi belle que puissante de répondre aux agressions qu’on longtemps subi les habitants de la Goutte d’or. 

Par Louis Lepron

Si les discours de la classe politique ont plus ou moins cessé de prendre à parti le quartier en particulier, les prises de paroles de certaines figures de la droite et de l’extrême droite attaquent plus frontalement que jamais les populations immigrées dans les médias. Alors, comme pour répondre à ces attaques aussi répétées que violentes, les organisateurs de la PAC se sont donnés pour mission de faire briller leurs diasporas, celles tant rabaissées par les discours de haine, celles qui ont construit la riche histoire de la Goutte d’or. Comme l’explique Medhi :

"Le but de la PAC, c’est la compétition certes, mais c’est surtout de rassembler. On vit des temps durs ! Il y a des fois ou je pense à quitter le pays, pour aller vivre tranquille dans des endroits ou personne te juge sur ta couleur de peau, ta religion, tes origines. Mais je t’avoue, quand il y a la PAC, je pense plus du tout à ça. Voir tout le monde réuni, qui représente sa diaspora, ça réchauffe le coeur"

« Par nous, pour nous » c’est peut-être l’une des expressions employée par les organisateurs qui résume le mieux la compétition et sa démarche. Née dans un quartier à la croisée de cultures longtemps méprisées, porté à bout de bras par des jeunes motivés à faire rayonner leur quartier et destiné fédérer autant que possible, la PAC garde et gardera le même dicton : rendez-vous Square Léon. Jusqu’à leur envol vers d’autres horizons ? 


Pour découvrir l’histoire complète de la PAC, le documentaire "Paris African Cup, bienvenue au Square Léon", est disponible sur notre chaîne YouTube. 

Sur le plateau, leurs doigts ne tremblent pas. Malgré le bruit, la foule et l’agitation qui anime depuis des semaines le square Léon, leurs mouvements sont lents, assurés. Peut-être parce que ces cinquantenaires sont absorbés par leur partie d’échec, peut-être parce qu’ils sont habitués aux cris des enfants qui descendent à toute vitesse les allées en trottinette, peut-être aussi parce qu’ils connaissent bien l’effervescence annuelle qui rythme le quartier depuis 6 ans déjà. À quelques mètres de ces tables de jeu, un city, petit stade de football à 5 entouré par de larges grilles, est au centre de l’attention. Si les supporters s’entassent sur les gradins, sur les pelouses alentours et s’agrippent aux grillages, c’est parce qu’ici se joue la Paris African Cup, un tournoi de foot devenu incontournable tant son ambiance et sa ferveur ont attiré les foules du quartier, de la capitale, et même d’autres continents. Un évènement qui rend hommage à la compétition bienveillante, aux effusions de joie, au crochets qui cassent des chevilles. Mais elle s’inscrit aussi dans une tradition fidèle à l’histoire de la goutte d’or : celle de la célébration. 

"Toi qui a traversé la mer, toi qui a des problèmes d’existence, de cartes de travail et de séjour, toi qui ne veut pas rester seul, viens avec nous faire la fête".

Par Louis Lepron

Ces paroles, ce sont celles d’Habib, co-organisateur du Carnaval de la goutte d’or qui s’est tenu le 16 juin 1979. Dans la rue du même nom coupée à la circulation, les enfants aux visages maquillés côtoient adolescents, adultes et personnes âgées, tous et toutes réunies dans une fête que beaucoup attendent chaque année. À cette époque, le quartier situé entre Barbès et La Chapelle connaît de nombreuses difficultés : les logements y sont insalubres, les services publics sont quasi-absents, la présence policière permanente y est étouffante. Mais la violence la plus grande réside peut-être dans les propos d’un parti récent, le Front National, qui prend pour cible la rue de la goutte d’or et ses environs. Là même où sont arrivées de nombreuses familles d’immigrés nord-africaines à partir de la fin de la seconde guerre mondiale, rejoins à la fin des années 70 par des familles issues d’Asie et d’Afrique sub-saharienne. Et leurs idées infusent largement dans les discours de la classe politique : c’est après une visite de la rue de la goutte d’or, en 1991, que Jacques Chirac prononçait sa phrase sur « Le Bruit et l’odeur », qui désignait selon l’ancien président les troubles causés par les personnes issues de l’immigration en France. Une citation rapidement devenue symbole des propos hostiles, xénophobes et ouvertement racistes répétés dans les années 1990 à l’encontre des populations immigrées. 

Par Louis Lepron

46 ans plus tard, bien des choses ont changé. Bon nombre de bâtiments du quartiers ont été rénovés, des dizaines de structures publiques participent désormais à son bon vivre, et certains commerces à l’abandon on été remplacés par des cafés au design élégant et salles de spectacles flambant neuves. Dans les rues d’un quartier métamorphosé par un lent processus de gentrification, les habitants se réunissent autour d’un lieu refait à neuf, le Square Léon, et surtout autour de son city. Pour les jeunes du quartier, le terrain est depuis toujours un point de rendez-vous, là ou les novices s’entraînent, là ou les talentueux impressionnent, là ou les observateurs ne manquent pas un geste technique. Quand la journée d’école ou de travail est finie, le rendez-vous est au Square Léon. Quand le week-end ou les vacances s’installent, le rendez-vous ne change pas. Alors un jour, l’un des habitués de ce rendez-vous, Mamoudou Camara a une idée : organiser, sur le modèle des CAN des quartiers nés à Créteil, une compétition de foot à 5 sur ce terrain, qui oppose des joueurs représentant l’équipe de leur diaspora. En 2019, date de la première édition de la PAC, les joueurs descendent pour la première fois dans cage aux airs de fosse aux lions, acclamés par une foule en demande de spectacle. Elle sera servie : depuis cette première, la PAC revient chaque année, s’étire sur tout le mois de Juin, et fait vivre la goutte d’or au rythme des cris des supporters, des enceintes qui crachent des hits de rap et d’Amapiano, et du bruit sourd du cuir qui s’écrase sur les crampons. Comme l’explique Medhi Aouissi, co-organisateur de la PAC :

"C’est devenu un évènement que tout le monde attend. Et pas que ceux qui jouent, ceux qui viennent regarder aussi. Certains font des pronos entre potes, d’autres viennent pour supporter, crier comme des ultras… c’est fou de voir la compétition vivre comme ça"

Par Julien Lanard

Si l’identité de la compétition est la même, basée sur une volonté de célébrer ce sport et de rassembler tout celles et ceux qui voudront y assister ou même y participer, la forme a pourtant bien changé. Sponsorisé par Jordan et Maison Château-Rouge, une marque de couture renommée née dans un quartier éloigné de quelques rues seulement, la PAC est aujourd’hui plus professionnalisée que jamais : des gradins aux maillots en passant par le système vidéo de retransmission en direct des matchs, l’équipe agrandie fait tout comme une vraie compétition. Et tout indique qu’elle en est désormais une, tant son impact est grand. Des joueurs venus d’Oakland (État-unis) à ceux arrivés de Colombie, la compétition a élargi ses ambitions, et accueille désormais de nombreuses équipes, venu des quatre coins du monde. Une manière de rassembler les gens d’ici et d’ailleurs, sur la base d’un évènement monté à bout de bras par des passionnés, motivés par l’envie de faire vivre un peu plus le quartier qui les as vu grandir. Aujourd’hui, la PAC n’est plus seulement une compétition, c’est une fête annuelle attendue, qui divertit autant ses habitants qu’elle les soude. Une manière aussi belle que puissante de répondre aux agressions qu’on longtemps subi les habitants de la Goutte d’or. 

Par Louis Lepron

Si les discours de la classe politique ont plus ou moins cessé de prendre à parti le quartier en particulier, les prises de paroles de certaines figures de la droite et de l’extrême droite attaquent plus frontalement que jamais les populations immigrées dans les médias. Alors, comme pour répondre à ces attaques aussi répétées que violentes, les organisateurs de la PAC se sont donnés pour mission de faire briller leurs diasporas, celles tant rabaissées par les discours de haine, celles qui ont construit la riche histoire de la Goutte d’or. Comme l’explique Medhi :

"Le but de la PAC, c’est la compétition certes, mais c’est surtout de rassembler. On vit des temps durs ! Il y a des fois ou je pense à quitter le pays, pour aller vivre tranquille dans des endroits ou personne te juge sur ta couleur de peau, ta religion, tes origines. Mais je t’avoue, quand il y a la PAC, je pense plus du tout à ça. Voir tout le monde réuni, qui représente sa diaspora, ça réchauffe le coeur"

« Par nous, pour nous » c’est peut-être l’une des expressions employée par les organisateurs qui résume le mieux la compétition et sa démarche. Née dans un quartier à la croisée de cultures longtemps méprisées, porté à bout de bras par des jeunes motivés à faire rayonner leur quartier et destiné fédérer autant que possible, la PAC garde et gardera le même dicton : rendez-vous Square Léon. Jusqu’à leur envol vers d’autres horizons ? 


Pour découvrir l’histoire complète de la PAC, le documentaire "Paris African Cup, bienvenue au Square Léon", est disponible sur notre chaîne YouTube. 

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