
De grandes silhouettes, brutales et sombres, posées sur des surfaces. Comme détachées de leur sujet, ces ombres aux angles pointus, presque aiguisés, font le cœur du travail de Lou Jelenski. D’abord né dans les entrailles du graffiti, son goût pour les formes imperceptibles n’a cessé de s’étendre à d’autres supports : du fer forgé aux plaques de métal en passant par la chair, le Marseillais fait vivre ses grandes silhouettes un peu partout, pourvu qu’elles aient la place d’exister.

KEY-WORDS, Substance, Marseille, 2024. Vues d’exposition Luka Perkins Petit
Derrière ces formes, Lou mène un processus : celui de la déconstruction des lettres, celles-là mêmes qu’il modelait déjà avec un simple aérosol, celles-là mêmes qui composent, une fois distordues, la base de son travail actuel :
"Les lettres se changent en sujet, en paysage, en langage codé, quasi illisible, au point de questionner leur nature même".
Lou enfant observait la cité phocéenne, les étranges objets laissés en pleine rue, les grands panneaux publicitaires. Dans ce paysage urbain, une chose en particulier lui attirait l’œil : « Le premier choc, c’est quand tu observes les couleurs, les dessins, les noms qui reviennent. Chez les graffeurs, c’est souvent les mêmes schémas. Ces grandes fresques, ça pousse à l’interrogation, et rapidement, ça devient obsessionnel. Ça te donne envie de faire partie de ces gens qui grimpent pour aller peindre ».
Si le tatouage l’amène souvent à se partager entre New York, Paris, Londres et bien d’autres villes où sa clientèle s’agrandit, le Marseillais reste basé dans sa ville, celle qui lui a donné sa passion, celle qui disparaît peu à peu : « Les grosses vagues de gentrification ont métamorphosé Marseille. J’ai dû faire le deuil d’une ville qui m’a vu grandir et que je connais, parce qu’elle n’existe plus. On vit des temps troubles. J’ai un gros problème avec les gens qui viennent piller notre parc immobilier à grand coup de spéculation et d’achat ou vente d’immeubles, mais aussi avec ceux qui viennent consommer matcha et panisses en tongs de l’OM sous “c’est Marseille bébé”, comme si Marseille n’était qu’une mode ».

1 - Feu intérieur, 160cm X 20cm, acrylic & cotton, 2020 ; 2 - Big City Dreamers, Kulup26, Berlin, avec Maxim Tur et Katya Quel, 2025
Finalement, il est l’un de ces artistes dont l’activité est impossible à résumer. Tantôt tatoueur, plasticien, designer de skatepark et de barbecues, graffeur, il considère chaque espace comme un terrain de jeu idéal,
"Mais ce qui me définit peut-être le plus intérieurement, finalement, c’est le fait d’être Marseillais."


