Maureen, Art thérapie

Maureen, Art thérapie

9 octobre 2025

par Flora Santo

par Flora Santo

par Flora Santo

Sur scène, elle est féroce, incandescente. En face à face, c’est une force tranquille, douce et déterminée.

Depuis l’explosion de Tic en 2020, rien n’arrête plus Maureen : entre son EP Bad Queen et des collaborations marquantes avec Kalash, Blaiz Fayah ou Lala &ce, la jeune artiste est devenue la figure de proue de l’ascension du shatta – mouvement musical martiniquais né dans les années 2010, petit frère du dancehall jamaïcain, désormais joué dans les clubs des quatre coins du globe – représentant fièrement une nouvelle génération d’artistes caribéen·nes, libre et affirmée. Dans son premier album, Queen, à paraître prochainement, Maureen poursuit sa trajectoire shatta tout en explorant des sonorités plus douces et chantantes, et offre à son public une nouvelle facette, vulnérable et grandie. Transmettant, toujours, ce message clair : encourager chaque femme à reconnaître sa valeur et sa puissance, reflet de son cheminement personnel vers la confiance, l’amour de soi et l’indépendance. Elle revient avec Radikal sur son parcours, sa résilience, son féminisme et son identité martiniquaise. Avec, sur la tête, une couronne qu’elle ne laissera plus glisser. 



RDKL Peux-tu nous raconter comment ta passion pour la musique et la danse a commencé ?

M Ça a commencé très petite. Dans ma famille, il y a des artistes : ma mère aime chanter, mes tantes aiment chanter, mes oncles ont chanté dans des groupes de gospel… Ça a toujours été en moi.


Qu'est-ce qui t'a attirée ensuite dans la culture du dancehall jamaïcain, vu que tu as grandi dans un univers musical un peu différent ? Est-ce que ça a été une évidence pour toi de te lancer dans cet univers-là, dans le shatta précisément ? 

J'ai toujours aimé le dancehall jamaïcain. Quand j'étais petite, je me mettais devant la télé, je répétais toutes les chorégraphies des clips de Sean Paul, de Mister Vegas. J'aimais vraiment cette culture jamaïcaine, cette culture du dancehall. Je pouvais rester des heures devant les morceaux à chercher des chorégraphies, à essayer de les reproduire. Donc quand j'ai commencé à chanter, c'était une évidence pour moi de faire du dancehall, plus précisément du shatta. Ça me correspondait bien, notamment au niveau de la danse, que j'ai commencé à introduire dans mes shows dès mes débuts. Et puis ça me permettait aussi d'évacuer, de me libérer. 


Qu'est-ce que ça te faisait ressentir de rester des heures devant les clips, à répéter les chorégraphies ?

Cette période-là, c'est vraiment la période où j'étais insouciante, où j'avais la soif d'apprendre. J'avais des rêves, des objectifs, je voulais être danseuse professionnelle, je voulais vraiment me donner au maximum. Et puis à travers la musique et la danse, je vivais, j'oubliais tout ce qui était autour : c'était juste moi et la musique et ça m'aidait, j'étais dans ma bulle et ça me faisait du bien. 


Tu dis que tu as été beaucoup inspirée musicalement par Spice, Rihanna, Beyoncé… Qu'est-ce qui t'a inspirée chez ces femmes-là, comment est-ce qu'elles t'ont impactée ?

Rihanna a un parcours que j'admire en tant que femme, artiste, maman, entrepreneuse. Et puis Spice, mais aussi J Capri, Patra, ce sont des artistes et des femmes qui se sont affirmées et qui ont dit : « C'est pas parce que je suis une femme que je ne vais pas le faire », et elles l'ont fait. Dans le dancehall à l'époque, c'était que des hommes. Une femme, on s'attendait à ce qu'elle chante quelque chose de plus doux, du reggae, du zouk ou du r&b. Et ce sont des femmes qui ont dit : « Nous on veut faire ça, on va faire ça et on va exceller dans ce qu'on fait ». Pour moi, ce sont des exemples à suivre. C'est important de s'affirmer en tant que femme et de montrer qu’on est tout aussi talentueuses qu’un homme, qu'on arrive dans ce game et que si on veut tout prendre, et ben on prend.  


Tu as senti que, en tant que femme, tu avais eu plus de bâtons dans les roues pour réussir dans ce milieu ?

Ce milieu n’est vraiment pas facile pour les femmes. Pour toutes celles qui vont se lancer, moi je conseillerais de se former et d'apprendre, notamment tout ce qui est paperasse, administratif. C'est très important d'être au courant de tout, même si on a une équipe. C’est plus facile de couillonner quelqu'un qui ne s'y connait pas que quelqu'un qui a confiance aveuglément et qui ne pose pas de questions. Il faut toujours se former, il faut toujours s'informer. Quand tu es une femme, tu peux tomber sur des hommes avec qui tu es amenée à collaborer, soit qui vont essayer de te draguer, soit qui vont te prendre de haut, du genre : « Toi tu n'y connais rien, donc sois belle et va derrière le micro ». Bon, moi c'est pas mon cas parce que je me laisse pas faire. Mais en tant que femme, c'est 20 fois plus dur qu'un homme de s'affirmer dans ce milieu. Et quand je dis s'affirmer, c'est vraiment se faire respecter, pas être vue comme un morceau de viande sur une scène avec une tenue sexy. C'est un milieu de requin et si on n'a pas la tête sur les épaules, si on n'est pas correctement entourée, ça peut être très difficile.

“Quand tu es une femme, tu peux tomber sur des hommes avec qui tu es amenée à collaborer, soit qui vont essayer de te draguer, soit qui vont te prendre de haut” 


Photo : Adam ZM @azm__________


Comment est-ce que tu as fait pour t'en sortir ? Est-ce que tu dirais que tu t'es bien entourée ? 

J'ai eu des erreurs dans mon parcours. Pas des erreurs, je dirais des leçons. Au fur et à mesure, je suis amenée à faire le tri autour de moi parce que je grandis, j'ouvre les yeux, j'apprends. Ce n’est pas tout le temps facile. J'ai eu des moments down, mais je suis toujours restée forte et j'ai toujours tenu pour ne pas abandonner. Parce qu'en toute franchise, j'ai déjà failli arrêter la musique. Mais je ne vais laisser personne casser cette passion et ces convictions que j'ai, je vais tout donner dans mes projets musicaux. J'insiste sur le fait que c'est très important d'être bien entouré de personnes positives, qui sont là pour ton bien-être, qui veulent que tu évolues, que tu réussisses. Et qui vont te dire franchement quand tu fais quelque chose qui n'est pas bon, qui vont te regarder et qui vont te dire : « Meuf, tu fais de la merde, ton comportement c'est pas bon. » Moi je suis quelqu'un de plutôt humble, mais ça peut arriver à tout le monde, et de façon générale, il faut vraiment ces gens autour de soi, qui sont là pour te rappeler à l'ordre, pour te rappeler la personne que tu étais au début. Et pas des gens qui vont te dire oui à tout, mais qui derrière vont te descendre comme pas possible. Je ne veux pas d'amis comme ça, je ne veux pas d'entourage comme ça. Mon bien-être, ma positivité, ma santé et mon énergie n'ont pas de prix. Dans le milieu de la musique, plus tu montes, plus il y a des gens qui vont s'approcher de toi, qui vont vouloir être amis, qui vont vouloir te parler... Et le but ultime c’est de savoir si cette personne-là est vraiment là pour toi, si elle t'apprécie vraiment pour toi, ou si elle est là juste par intérêt.

"Il y a des artistes qui n'ont personne à qui se confier parce que malheureusement, ils ne peuvent pas faire confiance autour d'eux, parce qu'ils ont déjà été trahis par des proches. La notoriété, le succès et l'argent, ça rend les gens fous."

 


Dans ces cas-là, le rôle d'une famille solide peut être important. On t'a beaucoup entendue parler de ta famille, et notamment des femmes de ta famille, de ta mère, de tes tantes, de ta grand-mère... Est-ce que ça a été décisif pour toi d'avoir ces femmes fortes autour de toi ?

Oui, clairement, les femmes potomitantes, comme on dit chez moi. Il y a la famille, et aussi la famille de cœur. Je dis merci Seigneur chaque jour, parce que je sais qu'il y a des gens bienveillants autour de moi, et je suis très proche de de ma mère et des sœurs de ma mère. Moi, si j'ai besoin de me confier, ce sera à elles. J'ai des amis proches aussi, et ma cousine, qui est mon binôme depuis bébé. Aujourd'hui, s'il y a quelque chose qui ne va pas, ils ne vont pas hésiter à me le dire. 

 

Comment vis-tu le fait que le shatta, et d'autres musiques antillaises et afro-caribéennes, comme le bouyon, aient explosé en métropole et à l'international ces dernières années ?

Pour moi, c'est une fierté. Il était temps que la musique de chez nous commence à être reconnue en Hexagone et à l'international, parce que, franchement, les Antillais, les Guyanais, pour moi, on a beaucoup de talent chez nous. La musique, on baigne dedans, on est nés dedans. Chaque Antillais, chaque personne des îles, on a ce quelque chose. Et c'est dans notre culture. C’est une fierté de voir que les Antilles et la Guyane brillent. C'est le travail qui paye toujours parce que beaucoup d'artistes travaillent comme des acharnés. C'est une motivation de se dire : « Ok, j'ai pas fait tout ça pour rien ». Vraiment, c'est une fierté que tous les talents de chez nous soient mis en avant. 

“Il était temps que la musique de chez nous commence à être reconnue en Hexagone et à l'international. C’est une fierté de voir que les Antilles et la Guyane brillent” 


Photo : Adam ZM @azm__________


C'est important pour toi de défendre les couleurs de la Martinique, de revendiquer l'identité martiniquaise à travers le shatta ?

Oui ! Quand je suis sur scène, j'ai tendance à avoir mon drapeau, et à mettre aussi du créole dans la majorité de mes morceaux. Parce que c'est important pour moi qu'on comprenne que je suis une artiste afro-caribéenne, mais aussi et surtout que je viens de la Martinique. Et je mets un peu de ma culture sur chacun de mes morceaux. C'est important pour moi de mettre ma langue en avant, de mettre du créole un peu partout, parce que ça fait partie de chez moi. C'est quelque chose pour quoi je veux me battre : ne pas le perdre au fil des années, mais le garder et montrer que c'est ma langue, que ça vient de chez moi et que je viens de la Martinique, que je suis une artiste afro-caribéenne martiniquaise.


En Décembre 2024, pendant ton concert à Xmas Vybe à l’Accor Arena, tu as fait un interlude en référence à la situation politique en Martinique et aux manifestations contre la vie chère. Est-ce que c’est important pour toi de transmettre des messages politiques à travers ton travail ? 

C'est important pour moi de transmettre des messages, pas forcément des messages politiques, mais de transmettre des messages, surtout quand ça touche à mon pays et à ma culture. Et là où j’estime que ma voix porte le plus, c’est quand je suis sur scène. Donc quitte à faire passer un message, je préfère le faire passer sur scène. D'où le fait que pendant cet événement, j'ai choisi la musique “Tjè nou blenndé“, [“Notre cœur est blindé“, en français, un morceau de Tanbou Bô Kannal fréquemment utilisé pendant les manifestations en Martinique, ndlr], parce que comme on dit aux Antilles, nos cœurs sont lourds, notre culture est bafouée, nos terres sont bafouées, la vie est chère. On est une île paradisiaque mais on connaît beaucoup d'injustices, et j'essaie de ramener ma pierre à l'édifice comme je peux pour parler des problèmes qu'il y a chez moi. La vie chère, c'est un problème quand par exemple un pack d'eau en Martinique va coûter 10 euros alors qu’en métropole il coûte 1,50€ ou 2,50€. Ce n’est pas normal. Donc oui, c'est important pour moi de faire passer ce message sur scène parce que cette période-là a été très difficile aux Antilles, avec les émeutes, les violences… Et je me suis dit que j’allais prendre ce que je sais faire le mieux, c'est à dire chanter et danser, et montrer que je soutiens mon pays, que je suis là avec eux.


Tanbou Bô Kannal - Tjè nou blenndé


On a l’habitude de voir un contraste assez fort entre la Maureen calme et réservée avec qui on parle en interview, et la Maureen très affirmée qu’on voit sur scène, un peu comme si tu avais un alter ego. Sur l’album, tu montres un côté de toi un peu plus vulnérable, par rapport à ton EP Bad Queen ou à tes autres morceaux, qui montraient surtout ta facette “baddie”.

C'est ça. Il y a la queen et la bad queen : sur scène la bad queen et en interview la queen. Je suis un mélange des deux, c'est le ying et le yang. Mais dans cet album, on voit vraiment tous mes côtés. On voit le côté shatta, le côté bad queen, le côté énervé, le côté féministe, le côté doux, le côté triste. On voit tout, il n'y a plus de demi-facette. C'est vraiment moi entièrement et toutes mes émotions.


Est-ce que tu as un peu réfléchi à ce que tu voulais faire après l’album, ou bien tu prends au jour le jour ?

Je prends au jour le jour. Ma priorité vraiment c'est cet album à venir et après le reste, ça viendra tout seul.


Retrouve l'interview complète dans Radikal Magazine 001 - [disponible ici]

Sur scène, elle est féroce, incandescente. En face à face, c’est une force tranquille, douce et déterminée.

Depuis l’explosion de Tic en 2020, rien n’arrête plus Maureen : entre son EP Bad Queen et des collaborations marquantes avec Kalash, Blaiz Fayah ou Lala &ce, la jeune artiste est devenue la figure de proue de l’ascension du shatta – mouvement musical martiniquais né dans les années 2010, petit frère du dancehall jamaïcain, désormais joué dans les clubs des quatre coins du globe – représentant fièrement une nouvelle génération d’artistes caribéen·nes, libre et affirmée. Dans son premier album, Queen, à paraître prochainement, Maureen poursuit sa trajectoire shatta tout en explorant des sonorités plus douces et chantantes, et offre à son public une nouvelle facette, vulnérable et grandie. Transmettant, toujours, ce message clair : encourager chaque femme à reconnaître sa valeur et sa puissance, reflet de son cheminement personnel vers la confiance, l’amour de soi et l’indépendance. Elle revient avec Radikal sur son parcours, sa résilience, son féminisme et son identité martiniquaise. Avec, sur la tête, une couronne qu’elle ne laissera plus glisser. 



RDKL Peux-tu nous raconter comment ta passion pour la musique et la danse a commencé ?

M Ça a commencé très petite. Dans ma famille, il y a des artistes : ma mère aime chanter, mes tantes aiment chanter, mes oncles ont chanté dans des groupes de gospel… Ça a toujours été en moi.


Qu'est-ce qui t'a attirée ensuite dans la culture du dancehall jamaïcain, vu que tu as grandi dans un univers musical un peu différent ? Est-ce que ça a été une évidence pour toi de te lancer dans cet univers-là, dans le shatta précisément ? 

J'ai toujours aimé le dancehall jamaïcain. Quand j'étais petite, je me mettais devant la télé, je répétais toutes les chorégraphies des clips de Sean Paul, de Mister Vegas. J'aimais vraiment cette culture jamaïcaine, cette culture du dancehall. Je pouvais rester des heures devant les morceaux à chercher des chorégraphies, à essayer de les reproduire. Donc quand j'ai commencé à chanter, c'était une évidence pour moi de faire du dancehall, plus précisément du shatta. Ça me correspondait bien, notamment au niveau de la danse, que j'ai commencé à introduire dans mes shows dès mes débuts. Et puis ça me permettait aussi d'évacuer, de me libérer. 


Qu'est-ce que ça te faisait ressentir de rester des heures devant les clips, à répéter les chorégraphies ?

Cette période-là, c'est vraiment la période où j'étais insouciante, où j'avais la soif d'apprendre. J'avais des rêves, des objectifs, je voulais être danseuse professionnelle, je voulais vraiment me donner au maximum. Et puis à travers la musique et la danse, je vivais, j'oubliais tout ce qui était autour : c'était juste moi et la musique et ça m'aidait, j'étais dans ma bulle et ça me faisait du bien. 


Tu dis que tu as été beaucoup inspirée musicalement par Spice, Rihanna, Beyoncé… Qu'est-ce qui t'a inspirée chez ces femmes-là, comment est-ce qu'elles t'ont impactée ?

Rihanna a un parcours que j'admire en tant que femme, artiste, maman, entrepreneuse. Et puis Spice, mais aussi J Capri, Patra, ce sont des artistes et des femmes qui se sont affirmées et qui ont dit : « C'est pas parce que je suis une femme que je ne vais pas le faire », et elles l'ont fait. Dans le dancehall à l'époque, c'était que des hommes. Une femme, on s'attendait à ce qu'elle chante quelque chose de plus doux, du reggae, du zouk ou du r&b. Et ce sont des femmes qui ont dit : « Nous on veut faire ça, on va faire ça et on va exceller dans ce qu'on fait ». Pour moi, ce sont des exemples à suivre. C'est important de s'affirmer en tant que femme et de montrer qu’on est tout aussi talentueuses qu’un homme, qu'on arrive dans ce game et que si on veut tout prendre, et ben on prend.  


Tu as senti que, en tant que femme, tu avais eu plus de bâtons dans les roues pour réussir dans ce milieu ?

Ce milieu n’est vraiment pas facile pour les femmes. Pour toutes celles qui vont se lancer, moi je conseillerais de se former et d'apprendre, notamment tout ce qui est paperasse, administratif. C'est très important d'être au courant de tout, même si on a une équipe. C’est plus facile de couillonner quelqu'un qui ne s'y connait pas que quelqu'un qui a confiance aveuglément et qui ne pose pas de questions. Il faut toujours se former, il faut toujours s'informer. Quand tu es une femme, tu peux tomber sur des hommes avec qui tu es amenée à collaborer, soit qui vont essayer de te draguer, soit qui vont te prendre de haut, du genre : « Toi tu n'y connais rien, donc sois belle et va derrière le micro ». Bon, moi c'est pas mon cas parce que je me laisse pas faire. Mais en tant que femme, c'est 20 fois plus dur qu'un homme de s'affirmer dans ce milieu. Et quand je dis s'affirmer, c'est vraiment se faire respecter, pas être vue comme un morceau de viande sur une scène avec une tenue sexy. C'est un milieu de requin et si on n'a pas la tête sur les épaules, si on n'est pas correctement entourée, ça peut être très difficile.

“Quand tu es une femme, tu peux tomber sur des hommes avec qui tu es amenée à collaborer, soit qui vont essayer de te draguer, soit qui vont te prendre de haut” 


Photo : Adam ZM @azm__________


Comment est-ce que tu as fait pour t'en sortir ? Est-ce que tu dirais que tu t'es bien entourée ? 

J'ai eu des erreurs dans mon parcours. Pas des erreurs, je dirais des leçons. Au fur et à mesure, je suis amenée à faire le tri autour de moi parce que je grandis, j'ouvre les yeux, j'apprends. Ce n’est pas tout le temps facile. J'ai eu des moments down, mais je suis toujours restée forte et j'ai toujours tenu pour ne pas abandonner. Parce qu'en toute franchise, j'ai déjà failli arrêter la musique. Mais je ne vais laisser personne casser cette passion et ces convictions que j'ai, je vais tout donner dans mes projets musicaux. J'insiste sur le fait que c'est très important d'être bien entouré de personnes positives, qui sont là pour ton bien-être, qui veulent que tu évolues, que tu réussisses. Et qui vont te dire franchement quand tu fais quelque chose qui n'est pas bon, qui vont te regarder et qui vont te dire : « Meuf, tu fais de la merde, ton comportement c'est pas bon. » Moi je suis quelqu'un de plutôt humble, mais ça peut arriver à tout le monde, et de façon générale, il faut vraiment ces gens autour de soi, qui sont là pour te rappeler à l'ordre, pour te rappeler la personne que tu étais au début. Et pas des gens qui vont te dire oui à tout, mais qui derrière vont te descendre comme pas possible. Je ne veux pas d'amis comme ça, je ne veux pas d'entourage comme ça. Mon bien-être, ma positivité, ma santé et mon énergie n'ont pas de prix. Dans le milieu de la musique, plus tu montes, plus il y a des gens qui vont s'approcher de toi, qui vont vouloir être amis, qui vont vouloir te parler... Et le but ultime c’est de savoir si cette personne-là est vraiment là pour toi, si elle t'apprécie vraiment pour toi, ou si elle est là juste par intérêt.

"Il y a des artistes qui n'ont personne à qui se confier parce que malheureusement, ils ne peuvent pas faire confiance autour d'eux, parce qu'ils ont déjà été trahis par des proches. La notoriété, le succès et l'argent, ça rend les gens fous."

 


Dans ces cas-là, le rôle d'une famille solide peut être important. On t'a beaucoup entendue parler de ta famille, et notamment des femmes de ta famille, de ta mère, de tes tantes, de ta grand-mère... Est-ce que ça a été décisif pour toi d'avoir ces femmes fortes autour de toi ?

Oui, clairement, les femmes potomitantes, comme on dit chez moi. Il y a la famille, et aussi la famille de cœur. Je dis merci Seigneur chaque jour, parce que je sais qu'il y a des gens bienveillants autour de moi, et je suis très proche de de ma mère et des sœurs de ma mère. Moi, si j'ai besoin de me confier, ce sera à elles. J'ai des amis proches aussi, et ma cousine, qui est mon binôme depuis bébé. Aujourd'hui, s'il y a quelque chose qui ne va pas, ils ne vont pas hésiter à me le dire. 

 

Comment vis-tu le fait que le shatta, et d'autres musiques antillaises et afro-caribéennes, comme le bouyon, aient explosé en métropole et à l'international ces dernières années ?

Pour moi, c'est une fierté. Il était temps que la musique de chez nous commence à être reconnue en Hexagone et à l'international, parce que, franchement, les Antillais, les Guyanais, pour moi, on a beaucoup de talent chez nous. La musique, on baigne dedans, on est nés dedans. Chaque Antillais, chaque personne des îles, on a ce quelque chose. Et c'est dans notre culture. C’est une fierté de voir que les Antilles et la Guyane brillent. C'est le travail qui paye toujours parce que beaucoup d'artistes travaillent comme des acharnés. C'est une motivation de se dire : « Ok, j'ai pas fait tout ça pour rien ». Vraiment, c'est une fierté que tous les talents de chez nous soient mis en avant. 

“Il était temps que la musique de chez nous commence à être reconnue en Hexagone et à l'international. C’est une fierté de voir que les Antilles et la Guyane brillent” 


Photo : Adam ZM @azm__________


C'est important pour toi de défendre les couleurs de la Martinique, de revendiquer l'identité martiniquaise à travers le shatta ?

Oui ! Quand je suis sur scène, j'ai tendance à avoir mon drapeau, et à mettre aussi du créole dans la majorité de mes morceaux. Parce que c'est important pour moi qu'on comprenne que je suis une artiste afro-caribéenne, mais aussi et surtout que je viens de la Martinique. Et je mets un peu de ma culture sur chacun de mes morceaux. C'est important pour moi de mettre ma langue en avant, de mettre du créole un peu partout, parce que ça fait partie de chez moi. C'est quelque chose pour quoi je veux me battre : ne pas le perdre au fil des années, mais le garder et montrer que c'est ma langue, que ça vient de chez moi et que je viens de la Martinique, que je suis une artiste afro-caribéenne martiniquaise.


En Décembre 2024, pendant ton concert à Xmas Vybe à l’Accor Arena, tu as fait un interlude en référence à la situation politique en Martinique et aux manifestations contre la vie chère. Est-ce que c’est important pour toi de transmettre des messages politiques à travers ton travail ? 

C'est important pour moi de transmettre des messages, pas forcément des messages politiques, mais de transmettre des messages, surtout quand ça touche à mon pays et à ma culture. Et là où j’estime que ma voix porte le plus, c’est quand je suis sur scène. Donc quitte à faire passer un message, je préfère le faire passer sur scène. D'où le fait que pendant cet événement, j'ai choisi la musique “Tjè nou blenndé“, [“Notre cœur est blindé“, en français, un morceau de Tanbou Bô Kannal fréquemment utilisé pendant les manifestations en Martinique, ndlr], parce que comme on dit aux Antilles, nos cœurs sont lourds, notre culture est bafouée, nos terres sont bafouées, la vie est chère. On est une île paradisiaque mais on connaît beaucoup d'injustices, et j'essaie de ramener ma pierre à l'édifice comme je peux pour parler des problèmes qu'il y a chez moi. La vie chère, c'est un problème quand par exemple un pack d'eau en Martinique va coûter 10 euros alors qu’en métropole il coûte 1,50€ ou 2,50€. Ce n’est pas normal. Donc oui, c'est important pour moi de faire passer ce message sur scène parce que cette période-là a été très difficile aux Antilles, avec les émeutes, les violences… Et je me suis dit que j’allais prendre ce que je sais faire le mieux, c'est à dire chanter et danser, et montrer que je soutiens mon pays, que je suis là avec eux.


Tanbou Bô Kannal - Tjè nou blenndé


On a l’habitude de voir un contraste assez fort entre la Maureen calme et réservée avec qui on parle en interview, et la Maureen très affirmée qu’on voit sur scène, un peu comme si tu avais un alter ego. Sur l’album, tu montres un côté de toi un peu plus vulnérable, par rapport à ton EP Bad Queen ou à tes autres morceaux, qui montraient surtout ta facette “baddie”.

C'est ça. Il y a la queen et la bad queen : sur scène la bad queen et en interview la queen. Je suis un mélange des deux, c'est le ying et le yang. Mais dans cet album, on voit vraiment tous mes côtés. On voit le côté shatta, le côté bad queen, le côté énervé, le côté féministe, le côté doux, le côté triste. On voit tout, il n'y a plus de demi-facette. C'est vraiment moi entièrement et toutes mes émotions.


Est-ce que tu as un peu réfléchi à ce que tu voulais faire après l’album, ou bien tu prends au jour le jour ?

Je prends au jour le jour. Ma priorité vraiment c'est cet album à venir et après le reste, ça viendra tout seul.


Retrouve l'interview complète dans Radikal Magazine 001 - [disponible ici]

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